Neige, soleil et glace
Une note d’Alexandre
Puis c’est la bascule, une histoire de lune peut-être. Nous nous retrouvons nous badigeonnant de crème solaire dans un canal Wide d’huile. La sensation n’est pas désagréable après 2 semaines de tempêtes quasi permanentes, mais c’est entre des icebergs que nous naviguons à présent.
C’est la 3e fois dans ma vie que je me retrouve face à ces masses de glace à la dérive. Toujours cela me procure d’étranges sensations. Combien en ai-je vu en photo ou film ? Pourtant être physiquement en leur présence est incomparable. Je me remémore une inscription sur les murs de Punta Arenas : " éteignez vos télés, vivez". C’est tellement vrai il me semble, l’expérience vécue ne tolère pas de remplaçant.
Les icebergs ne me lassent toujours pas. Étonnement de l’eau qui flotte sur l’eau. Fin de parcours pour ces poches d’air englacées depuis parfois des millénaires. Statues aux formes de hasard se transformant à vue d’œil sous le soleil. Silhouettes se découvrant telles celles de ces oiseaux englués sur les plages de marée noire et pourtant, là, rien de vivant. Pourquoi ?
Le vendredi 26 au soir, alors que nous approchons de la sortie du canal Eyre, les glaçons nous retiennent. Impossible de sortir du canal, la mer est prise et nos kayaks sont bien trop petits pour jouer les brise-glaces. Rien à faire, nous cherchons refuge à la nuit déjà tombée et attendons la suite des évènements qui ne nous appartiennent plus. Étonnants moments, bloqués par les glaces, sans savoir quand notre liberté de progression nous sera rendue.
Mais il faut croire que ces journées paisibles de soleil ne nous cachaient rien de mauvais, car dès le lendemain, le passage est libre. Nous pagayons alors le long de paysages où la roche et la glace se seraient affrontées. Cette dernière a perdu, elle gît comme sur un champ de bataille en morceaux épars en quantité impressionnante.
Sept jours que nous avons quitté les pêcheurs d’oursins et nous arrivons dans le paso del Indio, à une journée de navigation de Puerto Eden. Pour fêter ces derniers milles, après les grains et la glace, nous avons droit, toujours sous le soleil, à une joyeuse escorte. Des phoques nous prennent pour centre d’intérêt et ne se lassent pas de nous observer et de sauter à quelques mètres de nos embarcations jusqu’aux portes du village.
Fin de la deuxième étape, Natales, Eden.
Ce texte fait suite à Les nomades de la pêche et se poursuit par Il pleut sans interruption.