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Les kayaks à pied d’œuvre

une note d’Alexandre et Inti

Le 12 mars, deux bateaux, "Francisco Ascaso" et "Nous ne sommes pas capitaines", sont montés dans un camion à Joinville-le-Pont. Ils s’étaient installés là, en transit, depuis l’arrivée de leur lieu de naissance, Rosenheim, Allemagne. À bord du camion, ils ont atteint Le Havre. Par mer ou par terre, nous l’ignorons, ils ont ensuite rejoint Anvers. C’est là que commença leur grand périple maritime. D’Anvers, direction Valparaiso via le canal de Panama.
12 avril, les kayaks s’installent durablement sur le port de Valparaiso. Ils n’ont plus que 5 à 6 jours de mer pour arriver à Punta Arenas, mais ne semblent pas décidés à bouger. Pourquoi ? Coup de fatigue, un peu de flemme ou désintérêt pour la chose, nous n’en savons rien.
Le 22 avril au plus tard les kayaks devaient être à Punta Arenas. Mais dès le 20 nous apprenons de France que les bateaux risquent de poursuivre leur villégiature à Valparaiso jusqu’au 30.
Le 21, nous arrivons à joindre l’agent chilien, responsable de l’escale, qui nous apprend qu’il ne peut charger la marchandise pour Punta Arenas avant le 30. Pourtant, de notre point d’observation préféré, sur les rives du Détroit de Magellan, nous comptons chaque jour les nouveaux bateaux, dont certains en provenance du port central du pays.
Insistants, nous proposons par téléphone que le voyage finisse comme il commença, par la route. La descente vers le sud impose un passage par les routes argentines pour contourner les grands glaciers chiliens. Quelque part l’idée semble déplaire et les kayaks décident d’assumer ce qu’ils sont : des bateaux. On nous promet leur arrivée par voie de mer le 30. La veille du jour mondial de revendication des travailleurs, bon présage nous rassurons-nous…
Nous sommes le 24. Le 26, "Francisco Ascaso" et "Nous ne sommes pas capitaines" reprennent la mer, leur dernière navigation dans une caisse métallique avant longtemps.
Durant la semaine qui suit, les deux compères nautiques s’amusent et nous envoient informations sur contre-informations : arrivée le 30, arrivée le 2, arrivée le 1er… Une seule chose semble certaine, débarquement le 4.
Mais pour le 4 mai, notre Pythie météo, Yann Rochas, annonce une nouvelle forte dépression. Nos kayaks ont beau être marins, ils ne goûtent que modérément l’eau venue du ciel. C’est certainement prévenus de ce fait météorologique qu’ils accostent le 1er mai à Punta Arenas. Pressés par la pluie arrivant, mais respectant le jour des travailleurs - ils ont de l’éducation -, ils débarquent le 2.
Enfin.
Ce sont nos alertes jumelles - nous avons vu le cargo à quai - secondées par nos connaissances portuaires - depuis le temps -, qui nous informent de l’évènement. En nous rendant sur les lieux, nous nous apprêtons à de solennelles retrouvailles, six semaines que nous ne nous sommes vus.
Mais c’est face à un moustachu douanier que nous nous retrouvons, il nous faut procéder au dédouanement. Ces contingences administratives auraient dû être traitées à Valparaiso, premier point d’entrée sur le territoire. Les bateaux sont donc actuellement clandestins en terres chiliennes. Le détail eût peut-être pu retarder les retrouvailles tant souhaitées, n’eurent été la compréhension et la diligente gentillesse de nos interlocuteurs du port (douaniers, employés de l’entreprise portuaire…). Le fonctionnaire lève l’anomalie administrative.
Deux heures de tampons, de divers bureaux, d’un vétérinaire et de dockers amusés plus tard, "Francisco Ascaso" et "Nous ne sommes pas capitaines" retrouvent leur prestance, juchés sur le toit de la camionnette d’Eduardo, notre généreux hôte.
Eduardo, son jardin et sa pension où le parcours du fret maritime s’achève enfin. Celui des autorisations maritimes peut alors avancer.

Alexandre et Inti.

PS : Nous profitons de cette expérience pour signaler l’existence du carnet ATA. Il s’agit d’un document facilitant le déplacement temporaire de biens : un passeport temporaire pour des objets. Si, comme pour nos kayaks, vous devez faire traverser des frontières à votre équipement en ayant l’assurance de le ramener après votre voyage, le carnet ATA est très pratique. En particulier, les droits de douane sont payés dans le pays d’origine, avant le départ. Le carnet ATA fonctionne pour un grand nombre de pays (signataires d’une convention internationale) et évite beaucoup de tracasseries. En France, l’établissement des carnets ATA s’effectue auprès de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.