Naufrage en Patagonie
John Byron
John Byron à 17 ans lorsqu’il s’embarque sur le Wager, navire de l’escadre de l’amiral Anglais George Anson, parti attaquer les côtes du Chili et du Pérou alors espagnoles, via le détroit de Magellan. L’Angleterre vient de déclarer la guerre à l’Espagne, nous sommes en 1741. Le navire de Byron se sépare de l’escadre en Patagonie, puis fait naufrage sur l’île qui deviendra plus tard « Isla Wager » (voisine de l’isla Byron). Commence alors un récit saisissant, d’une incroyable modernité. Ecriture de marin, où l’enfer et le grandiose sont dits simplement, sans grandiloquence. Faim, froid, pluie incessante, mort, relations humaines réduites à néant… les anglais, d’abord prisonniers d’une île inhospitalière au sud du Golfe des Peines puis incapables de trouver leur chemin vers les villes espagnoles, ne doivent finalement leur survie qu’aux indiens Alakalufs qu’ils rencontrent. La rudesse des lieux, la situation désespérée rend les anglais, sous la plume de Byron, héroïques ou inhumains. Les indiens sont décrits solidaires ou cruels, « sauvages » aussi humains que les compagnons de Byron, pour le meilleur et pour le pire. Après de nombreuses péripéties, Byron parviendra à rejoindre l’Angleterre en 1745. Pour Patagonia 2009, son hallucinant récit de leur tentative infructueuse de doubler le cap nord-ouest du Golfe des Peines nous a définitivement convaincu de l’obligation d’emprunter le portage au nord-est de ce Golfe (isthme d’Ofqui) : « Nous portâmes à l’ouest pour essayer encore une fois de doubler le cap. Mais en arrivant à l’angle de la première pointe, nous trouvâmes un courant et une mer si violente qu’à chaque instant nous nous attendions à voir chavirer notre bateau. Cependant nous continuâmes nos efforts, qui nous conduisirent dans une baie vers le nord. De ma vie, je ne me suis trouvé dans une mer aussi effrayante que celle où nous entrâmes. Les brisants s’étendaient à plus d’un demi-mille de la côte. Convaincus enfin qu’il était impossible de doubler cette pointe avec un bateau, nos rameurs restèrent immobiles jusqu’au moment où les brisants furent près de nous atteindre, et les montagnes d’eau nous y chassaient rapidement. J’imaginai qu’ils avaient résolu de terminer ici leurs vies et leurs souffrances, mais nous gardâmes tous un morne silence. Enfin le capitaine Cheap leur observa qu’il fallait immédiatement périr ou faire tous leurs efforts pour s’éloigner de la terre, et qu’ils étaient les maîtres de choisir. Ils prirent heureusement le second parti et réussirent à tourner, une seconde fois, la pointe, en sens contraire ; au moyen de quoi, nous renonçâmes définitivement à l’entreprise de doubler le cap. » John Byron deviendra Amiral, et retournera en Patagonie. Son petit-fils sera le fameux Lord… et comment ne pas entendre en certains de ses vers l’écho des récits de son grand-père.
Utz - Editions UNESCO, 1994 - 1798 pour la première publication, 172 p., français (traduit de l’anglais)