Photographies et carnets de voyage
Bruce Chatwin
Que connaissons-nous de Bruce Chatwin ?
Sur ce site, En Patagonie bien sûr, ce livre exceptionnel construit et écrit comme rarement on a lu.
De son œuvre, Le Chant des pistes, Les Jumeaux de Black Hill et Utz, pour n’en citer que trois.
De sa vie, on la sait en perpétuelle errance, un entre-deux sans fin, fasciné par la vie nomade, sur le départ permanent, jusqu’à son dernier, définitif, en 1989.
« Suis parti en Patagonie pour six mois », tel est le télégramme que Chatwin laisse au Sunday Times, où il travaille, pour annoncer son premier grand départ.
Les amis qui ont voyagé avec lui dans les lieux les plus exotiques disent qu’ils l’ont rarement vu prendre des photos : il opérait avec un maximum de discrétion. Rares sont ceux qui virent en lui un photographe, mais lui se considérait comme tel et avait envisagé d’exposer ses clichés ou de les publier dans un livre.
Photographies et carnets de voyages n’est pas ce livre souhaité et jamais réalisé. Publié quatre ans après sa mort par David King et Francis Wyndham, il nous dévoile pourtant cette autre facette de l’auteur, amoureux des jeux de couleurs et des lignes construisant une image.
Surprise que de voir cette expression artistique utilisée par Bruce Chatwin. Si tout le monde s’accorde à reconnaître en lui un grand écrivain, il faut bien constater qu’il était également un très honnête photographe. Recherche de lignes directrices, d’ambiances, grande importance de la couleur et de la lumière, traque du détail signifiant l’ensemble, plus de 130 images sont dévoilées ici.
Parmi elles, huit sont prises en Patagonie – esthétiquement pas des plus remarquables, il faut bien l’avouer, mais on parle là de son premier voyage – et attirent le regard par leur dénuement, scènes de Far West et de cow-boys d’un autre monde, d’un autre hémisphère, et pourtant si identiques. On découvrira parmi ces rares huit clichés, celui de la cabane de rondins à Cholila, construite en 1902 par Butch Cassidy qui tentait alors d’échapper aux détectives de l’agence Pinkerton, renvoi direct à quelques uns des plus fameux chapitres d’En Patagonie.
Celles réalisées en Mauritanie sont les plus fortes, de mon point de vue, et, certainement, de celui des auteurs au vu de l’importance qu’elle prennent dans le livre : plus des deux tiers.
Belles et parfaitement construites, le traitement de la couleur et les cadrages dénotent tout de même une époque photographique aujourd’hui révolue, celle de la génération de la fin du colonialisme, de la coopération, évolution du regard sur l’Afrique, entre autre.
Francis Wyndham, journaliste, critique et ami de Bruce Chatwin, présente ainsi cet ouvrage :
« Les photographies de cet album n’ont qu’accessoirement un contenu documentaire. Les errances de Chatwin sur notre planète n’avaient pas pour but de recueillir des vues des grandes œuvres d’art, des bâtiments extraordinaires, des pittoresques décors naturels et des bizarreries des coutumes locales. Les détails sur lesquels il s’est arrêté auraient, dans la plupart des cas, été ignorés par tout autre que lui. Ces photographies valent à nos yeux pour l’éclairage qu’elles apportent sur sa manière de voir le monde, sur un paysage visuel intérieur qui se caractérise par sa rigueur, son élaboration et son raffinement. »
Une note d’Alexandre.
Grasset, Bruce Chatwin, photographies et carnets de voyage, introduction de Francis Wyndham, maquette de David King, édition établie par David King et Francis Wyndham, traduit de l’anglais par Jacques Chabert, 1993, 160 p.
Voir également l’article En Patagonie de Bruce Chatwin.
Vous pouvez écouter, et visionner, une lecture d’une œuvre de Chatwin, En Patagonie, sur cette page.